Jamais plus

29/01/2023

22 février 1943. Prison de Stadelheim. Munich. Allemagne. C'est assis sur le bord de ce qui lui sert de lit que Frantz Weissenrabe commence son récit. Au travers de sa dernière lettre adressée à « sa petite mère » comme il aime à l'écrire, Frantz déroule le récit qui l'a amené en ces murs. Son intérieur : une couchette rudimentaire, une gamelle en aluminium, une petite lanterne. Tout l'attirail sordide de la parfaite cellule du condamné.

Au fil des lignes de son écriture, l'échos des marches militaires résonne entre les murs de la prison. Frantz s'avance en centre de scène. Il est haut comme trois pommes. Les yeux remplis d'espoir, il aperçoit le führer. Bien vite, le petit garçon comprend qu'il n'est qu'un rouage parmi les autres mais il se veut être l'un des plus précieux. Aveuglée par les promesses illusoires d'un avenir radieux, la jeunesse endoctrinée rentre dans la machine bien huilée de la barbarie nazie. Mais très vite, celui qui croyait accomplir son devoir voit le système se retourner contre les siens, malgré sa volonté de devenir un homme, malgré ses cheveux blonds et ses grands yeux bleus... Le rideau de l'illusion déchirée, Frantz grandit en silence rongé par la culpabilité. Il rentre à l'université de médecine pour tenter de guérir l'humanité d'elle-même. Au cours d'une soirée étudiante, Frantz comprend qu'il n'est pas seul. D'autres comme lui souhaitent braver le danger et montrer au monde le vrai visage du nazisme. A travers une campagne de communication clandestine, des tracts dénonciateurs vont fleurir comme autant de pétales d'albâtre. Le mouvement de résistance « la rose blanche » venait de naître.

Malgré un sujet assez lourd et le destin tragique des personnages, « Jamais plus » est une belle trouvaille à la fois artistique et historique. Ce spectacle, écrit et mis en scène par Geoffrey Lopez, met en lumière ce mouvement étudiant et rend hommage à cette jeunesse allemande qui a trouvé le courage de dire « non ». Tout comme dans la pièce de théâtre « Macbeth - Exister, en dépit de l'univers » vue cet été à Avignon, la mise en scène est glaciale et soucieuse du détail. Les lumières froides, les projetions blanches sur fond noir et le jeu d'ombres chinoises donnent à ce spectacle un univers à la fois spectral et réaliste. Par sa sobriété, à la fois dans les décors et les costumes, cette œuvre fait appel à l'imaginaire du public. Au fil de la correspondance de Frantz, le spectateur est ainsi catapulté dans un univers à la fois réaliste et effrayant. Enfin, le jeu d'Antoine Fichaux est la clé de voûte de ce spectacle. Tour à tour, le comédien fait des bonds à la fois dans le temps et l'espace pour incarner avec passion ce jeune Allemand qui a voué sa vie entière à défendre la liberté.

Le rideau est tombé sur la scène du petit théâtre des variétés. Parmi les tracts qui jonchent le sol, de-ci delà, des pétales de rose blanche, autant de touches d'espoir transperçant ce sombre rideau de nuit.

Et maintenant, à vous de jouer !
Maria-Nella

Ecrit et mis en scène par Geoffrey LOPEZ
Avec : Antoine FICHAUX
Musiques : Brice VINCENT
Lumières : Filipe GOMES ALMEIDA
Costumes : Patricia DE FENOYL
Claire Merviel Production