Macbeth - Exister, en dépit de l'univers

13/10/2022

« Lasciate ogni speranza, voi ch'entrate » (Laissez toute espérance, vous qui entrez)
Dante Alighieri - La divina commedia - Inferno, Canto III, vv. 1-51.

C'est par ces mots gravés sur le fronton de la porte des enfers de la Divine Comédie de Dante, que ce Macbeth joué à la Fabrik Théâtre aurait pu débuter. Derrière le lourd rideau de velours, ne règne que cauchemar et tourment. Un femme mi-sorcière mi-succube et dont la blouse blanche est maculée de sang, entame une danse sacrale endiablée au rythme des percussions. Elle est accompagnée de deux spectres tout aussi glaçants en salopette vert kaki et masque à gaz.

La guerre fait rage en Écosse. Le pays, à feu et à sang, se bat sur deux fronts. D'un côté, il tente de résister face à l'invasion de la Norvège. De l'autre, le roi Duncan doit contenir ses gouverneurs qui menacent de le renverser. Il ne doit son salut que de ses Généraux Macbeth et Banquo. Encore pris par l'euphorie de la victoire, les deux officiers se voient prédire un destin royal par trois oracles fantomatiques. Afin que la prophétie se réalise, poussé par sa diabolique et ambitieuse épouse, Macbeth commet l'irréparable : un régicide. Les mains encore tachées du sang du Roy défunt, le couple monte sur le trône. A partir de là, l'ambition des deux époux va envahir petit à petit leur esprit jusqu'à la folie. Mais le destin va jeter sur eux une malédiction qui ne leur offrira aucun repos. Le couple Macbeth se voit privé de descendance et la culpabilité ronge petit à petit leurs esprits et leurs âmes jusqu'à la folie que seule l'abime viendra délivrer.

Dès le début de ce grand classique de Shakespeare, l'adaptation et la mise en scène signées Geoffrey Lopez donnent le ton. Ce spectacle se veut glacial, sobre et soucieux du détail. Le diable ne s'y cache-t-il d'ailleurs pas ? Pour commencer, le jeu authentique des comédiens est l'élément central autours duquel toute la scénographie gravite.
Le plateau est presque nu : en fond de scène deux miradors, des bidons, des jerricanes d'essence et des boites de munition. Cette atmosphère de guerre froide projette le public dans un univers contemporain qui sied parfaitement à cette œuvre pourtant classique. Les lumières en trombinoscope et le jeu d'ombres chinoises donnent à ce spectacle un univers clair-obscur. Les musiques électro côtoient habilement les ambiances sonores sinistres (coups de feu, cris d'oiseaux...). Quelques ruptures assez habiles du quatrième mur parachèvent de transporter le public dans cet univers métallique et froid. Il est à souligner un fait inhabituel au théâtre, le choix de la couleur verte, couleur maudite et symbole du poison sur scène. Elle est omniprésente dans cette interprétation, du décors, aux accessoires jusqu'au ruban renfermant la correspondace de Lady Macbeth, en passant par les lumières et les costumes dont la très jolie robe verte de la Reine. Quelques petites touches d'humour dans la mise en scène offrent quelques bulles de légèreté à cette tragédie. La danse, allant parfois jusqu'au combat, vient parachever cette œuvre au carrefour du classique et de la modernité. Les fantômes meurtris reviennent pour hanter les Macbeth en entamant une chorégraphie lugubre. Enfin les apparitions spectrales des oracles invitent le couple à un pas de deux mortel, allégorie de la menace physique et mentale planant au-dessus des deux époux.

Il est vrai que je ne serais peut-être pas venue voir spontanément ce spectacle si le son de la cornemuse entendu Rue des Teinturiers n'avait pas piqué ma curiosité. Il est en effet assez rare que le spectateur se précipite pour assister à Macbeth dans l'idée de "se fendre la poire". Pourtant, j'avoue que le pari de la compagnie les mains du marionnettiste est assez réussi et cette pièce figure dans le top trois de mes coups de cœur de cette édition 2022. Le spectateur ne voit pas le temps passer tellement il est plongé dans un autre monde. Ainsi, si vous aimez les tragédies classiques, revisitées à la sauce contemporaine tout en respectant le texte, avec pour toile de fond une ambiance de guerre froide et un univers mystique, ce spectacle vous ira comme un gant.
Macbeth - Exister en dépit de l'univers : un diamant brut que le Festival a l'art de nous faire découvrir.

Et maintenant, à vous de jouer !
Maria-Nella

Auteur : William Shakespeare
Adaptation : Geoffrey Lopez
Mise en scène : Geoffrey Lopez
Interprète(s) : Antoine Fichaux, Thierry Garnier, Cécile Genovese, Xavier Girard, Marion Le Bihan, Geoffrey Lopez, Grégoire Roqueplo, Rémy Scaramuzzino
Créatrice lumières : Johanna Boyer-Dilolo
Créateur sonores : Valentin Ménissier
Chorégraphe de danse : Claire Faurot
Chorégraphe de combat : Nicolas Meunier-Gatineau
Cie Les Mains du Marionnettiste

Théâtre la Fabrik - du 7 au 30 juillet à 14h00 - Relâches : 13, 20, 27 juillet

https://www.festivaloffavignon.com/programme/2022/macbeth-ou-exister-en-depit-de-l-univers-s29508/

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