Tutu
Dimanche 5 décembre 2021. La météo fait grise mine. L'automne n'en finit plus. Le variant Omicron plane au-dessus de nos têtes depuis quelques jours telle la menace fantôme. Alors pour contrer la mélancolie du dimanche qui me gagne, je décide de me mettre un coup de pied là où je pense et d'aller au théâtre. Un peu à la dernière minute, je jette mon dévolu sur un spectacle de danse : Tutu de la compagnie Chicos Mambo au théâtre libre.
Après moultes rebondissements en mode « 12 travaux d'Astérix » pour accéder à ma place, à peine installée je n'ai pas le temps de souffler, ni même de sortir mon carnet de notes. Les lumières s'éteignent et le ballet commence. Immédiatement le premier tableau donne le ton du spectacle. Le rideau se lève sur six danseurs affublés d'un « tutu pantalon rose-pale » taille XXXXXXL (cf. image d'illustration). Malgré ce costume quelque peu imposant, les danseurs exécutent une danse très technique, à haut potentiel caricatural et alliant la légèreté à la force physique. Puis ce sont près de dix-neuf autres tableaux reprenant parfois des danses célèbres du répertoire classique qui vont s'enchaîner, le tout saupoudrés de colophane... car ces messieurs dansent parfois sur pointes ce qui est une performance physique en elle-même.
Pendant près d'une heure vingt le public va assister à la danse des petits cygnes mais version cygneaux allant à la mare, à une cérémonie druidesse de six streghe Siciliane* sponsorisées par « parce que je le vaux bien », à la danse des légumes me faisant étrangement penser à la danse de la tulipe de Mikhaïl Baryshnikov, ou encore à une satire de l'émission de danse avec les stars. Je ne suis d'ailleurs pas feu fière d'avoir lancé les applaudissements au rythme des premières mesures de Dirty Dancing. Et là, à la lecture de ces dernières lignes, je suis sûre que vous vous demandez si les deux danseurs de Chicos Mambo vont exécuter le fameux porté de Jennifer Grey et Patrick Swayze ? Oui ? Non ?... Je vous laisse découvrir... Enfin, cette troupe essentiellement composées de danseurs hommes, aborde également la place du danseur en tant que figure masculine dans une société en proie aux stéréotypes. A noter, la présence d'une danseuse-marionnettiste qui officie dans l'ombre ou en académique noir et qui excelle dans l'art du trompe l'œil.
Pour les frileux de danse classique, soyez rassurés. L'esprit comique de ce spectacle l'emporte sur tout le reste. De plus, d'autres courants de danse sont représentés allant du néo-classique jusqu'au contemporain en passant par un tango argentin exécuté à douze jambes. Mais ce spectacle ne se résume pas qu'à la danse. En effet, il fait aussi la part belle au clown, au mime, à l'acrobatie, au théâtre et aux expressions du visage.
Pour finir, pas besoin de dormir dans une couette de l’Opéra de Paris ni d'avoir un poster de Terpsichore au-dessus de son lit pour apprécier ce spectacle. En effet, Tutu s'adresse à un large public amateur ou non de danse. Ce ballet drolissime démocratise cet art majeur et le libère de son carcan académique sans rien sacrifier à la technique. Le comique de situation fait voler en éclat le quatrième mur et le public en redemande. Il ne croit pas si bien dire car les spectateurs se font littéralement « tutuiser » en attendant de se faire bientôt «car/meniser ».
*sorcières siciliennes
Dimanche 5 décembre 2021 - Théâtre Libre