Aujourd'hui
samedi 8 février, je vais mener ma deuxième interview, celle du Directeur de la
troupe « Saynète et sans bavure » à l'affiche du Théo théâtre dans
une adaptation du Père Noël est une ordure.
J'ai
rencontré Stéphane Théron un peu par hasard, lors de mon tout premier spectacle
Parisien dans le cadre du blog. Suite à mon premier article, Stéphane m'a
invité à assister à la pièce « Dormez je le veux » au Théo théâtre.
J'avoue que j'ai été scotchée par l'énergie de cette petite troupe. Au fil du
temps, je me suis prise d'affection pour ce groupe qui m'a bien vite montré sa
sympathie.
Maria-Nella : Stéphane. Avec
ta troupe, Saynète et sans bavure, vous êtes actuellement à l'affiche du Théo
théâtre dans une adaptation du « Père Noël est une ordure ». Comment
vous est venue l'idée un peu folle de monter ce monument de théâtre ?
Stéphane Théron :
Premièrement, aussi surprenant que cela puisse paraître, pour des
raisons arithmétiques. Il faut savoir que le « Père Noël est une
ordure » version Saynète et sans bavure est venue en 2013 d'une idée de Sylvie
Auger notre metteuse en scène. A l'époque, nous étions six dans la
troupe et dans la pièce il y a six rôles qui collaient exactement à notre composition
garçons-filles. Nous avions tous très envie de jouer cette pièce mais nous
avions également peur qu'elle ne s'adapte pas au monde contemporain. En
relisant le texte, nous nous sommes rendu compte que l'œuvre était très
intemporelle et pouvait parfaitement coller au 21e siècle.
https://www.leblogtheatredemarianella.fr/l/le-pere-noel-est-une-ordure/
Maria-Nella : Cette pièce est assujettie aux droits d'auteur. J'imagine que vous avez contacté l'équipe du
Splendid ?
Stéphane Théron :
C'était la partie que nous avions sous-estimée car il est très
difficile d'obtenir les droits de cette pièce. Il a fallu montrer patte blanche
et être force de persuasion. Mais la troupe du Splendid, et plus précisément
Josiane Balasko nous a accordé les droits avec beaucoup d'humanité.
Maria-Nella : Dans le
« Père Noël est une ordure » l'effet de surprise est plutôt difficile
à ménager, l'histoire et les dialogues sont généralement connus. Par la suite,
il y a eu une adaptation au cinéma qui certes est légèrement différente de la
pièce mais qui venue « en rajouter une couche » en termes de
popularité. Le pari n'était-il pas un peu risqué de s'attaquer à cette pièce
tellement populaire ?
Stéphane Théron :
En 2013, la troupe était toute jeune,
un peu inconsciente et elle ne s'est pas trop posée la question de l'imitation.
En outre, un certain nombre d'entre nous n'avaient pas vu la pièce. Nous étions
donc peu influencés. Nous avons donc travaillé le texte comme n'importe quel
autre. Bien évidemment, il n'était pas intéressant de faire une copie mais il
en est de même pour les pièces classiques comme un Molière. Généralement le
public connait l'histoire mais ne sait pas à quoi s'attendre pour ce qui est de
la mise en scène. Le but étant de le surprendre.
Maria-Nella : pour l'avoir
vue, j'ai constaté que la mise en scène prenait beaucoup de hauteur par rapport
à tout ce qui a déjà été fait. Le pari est donc plutôt réussi, non ?
Stéphane Théron :
Selon beaucoup de spectateurs, nous aurions donné une dimension
peut-être plus humaine aux personnages notamment à celui de Félix. En y
rajoutant un peu plus de fond, les protagonistes seraient devenus plus
attachants que méchants.
En outre, nous avons souhaité adapter la pièce au contexte actuel. Par
exemple Zézette dans la version originale est une clocharde. En 2020, un sans
domicile fixe ça ne fait pas vraiment rire. Comme nous n'avions aucune envie de
rire de la misère, nous avons fait de Zézette une femme plutôt paumée et
excentrique. Bien évidemment les fans viennent avec beaucoup d'appréhension, car
ils ont peur de voir une copie mais comme il y a eu ce travail contextualisation,
les spectateurs sont généralement contents d'assister à autre chose.
Maria-Nella : un des
éléments originaux dans cette pièce c'est l'affiche à savoir un sapin de Noël
fait de deux couteaux de cuisine mis dos à dos. Peux-tu nous en parler un
peu ?
Stéphane Théron :
Nous sommes effectivement très fiers de cette affiche. Elle a été faite
par Emmanuel Poutrain qui travaille pour la société BUiLDOZER. Il n'est pas
parti d'images traditionnelles de Noël mais plutôt sur quelque chose de froid,
de métallique et de méchant. L'affiche a vraiment donné le ton de la pièce et
nous aidé pour l'étude des
scènes car elle a été conçue avant même d'avoir travaillé le texte. C'est
également Emmanuel Poutrain qui a créé le logo de la troupe.
Maria-Nella : Justement, peux-tu
nous faire une petite biographie de ta troupe « Saynète et sans bavure » ?
Stéphane Théron :
A la base, nous étions un simple
atelier théâtre qui prépare son spectacle pour le jouer quatre ou cinq fois en
juin. En 2011, nous a pris l'idée de se monter en troupe pour approfondir notre
travail avec la metteuse en scène Sylvie Auger. En 2013, le père Noël a été
créé mais toujours dans l'esprit atelier car nous pensions la jouer que cinq
fois. La pièce ayant très bien marché, nous nous sommes pris au jeu car le
théâtre Montmartre Galabru nous a proposé de la jouer tous les mardis de l'année.
C'est là que l'aventure de la troupe a réellement commencé. Puis,
nous avons monté « Dormez je le veux » de Feydeau dont le succès fut
au-rendez-vous. Deux ou trois ans plus tard, nous est venue l'idée de faire une
alternance. Nous avons donc recruté six autres comédiens et à présent, nous
sommes 15.
Maria-Nella : Avant le
Père Noël, vous aviez monté en 2012 une première création « tradition
oblige ». Quelle était cette première pièce ?
Stéphane Théron :
C'est une comédie humaine écrite par Jean-Claude Danaud et qui date
des années 70. Ce fut un de nos premiers défis car pour résumer, c'est un genre
de Roméo et Juliette sur fauteuils roulants. L'histoire se passe dans une
famille issue de la vieille aristocratie anglaise et dont tous les membres sont
invalides. De cet handicap, ils en tirent un titre de noblesse dont ils sont
très fiers. Malheureusement, la petite dernière est la honte de la famille car
elle est tombée amoureuse d'un valide. Pour se faire accepter de sa
belle-famille, l'amoureux transi va se faire opérer pour être sur fauteuil
roulant. Mais je ne vous en dis pas plus, suspense.
Maria-Nella : Comment vous
est venue l'idée du nom « Saynète et sans bavure » ?
Stéphane Théron :
Nous voulions un nom avec un jeu de mots sur le thème du théâtre. Et très
honnêtement, ce fut une vraie galère. Mais un jour, involontairement j'ai dit :
tant qu'on y est, faisons « c'est net et sans bavure ». Et c'est notre
première Directrice de troupe, Johanna Etner, qui a vu le sens caché de cette
expression.
Maria-Nella : Peux-tu nous
parler de la pièce de Feydeau « Dormez je le veux » qui a rencontré
un vrai succès à Paris et qui a également fait pas mal parlé d'elle au dernier
festival d'Avignon?
Stéphane Théron :
C'est une pièce en un acte, de 40 minutes, assez peu connue du
répertoire de Feydeau. En s'inspirant clairement du film d'Alain Resnais
« On connait la chanson » sorti en 1997, nous avons agrémenté la
pièce d'extraits musicaux passés en version originale et joués en playback.
Nous l'avons jouée pendant un an au théâtre du proscenium, puis nous avons
enchaîné trois saisons au Théo Théâtre.
En 2019, par le biais du réseau de blogueurs, nous avons été mis en
contact avec Dominique Lhotte, Directrice artistique du théâtre le Sham's à
Avignon et qui nous a proposé de faire notre premier festival. L'aventure
avignonnaise a été folle. « Dormez je le veux » a très bien marché.
Sur les quinze dates, environ une dizaine affichait complet. Sur les 150
comédies du festival, « Dormez je le veux » a été élue par le public quatrième
meilleure comédie d'Avignon.
https://www.leblogtheatredemarianella.fr/l/dormez-je-le-veux/
Maria-Nella : Y aura-t' il
un Avignon en 2020?
Stéphane Théron :
Et bien oui. « Dormez je le veux » sera encore présent au
Festival cette année. Nous jouerons au théâtre Notre Dame tous les jours à
20.45.
Maria-Nella : Justement en
parlant d'Avignon, aurais-tu un conseil à donner pour toutes les petites
compagnies tentées par l'aventure ?
Stéphane Théron :
Avignon rime avec organisation. Six mois à l'avance il faut que le
budget intégral soit bouclé, intendance comprise (logement, nourriture,
transports...). Sur place, il faut aller au contact, se renseigner, chercher des
conseils et travailler sur la communication. A moins d'être dans une grosse
production, ce travail est obligatoire. Clairement pour une heure sur scène, il
y a quatre heures dans les rues d'Avignon à tracter et à parader. Au festival,
jouer c'est la récompense.
Avignon c'est également un révélateur de l'esprit de troupe. Partager
un 45m2 à 15, c'est un bon test sur l'entente globale du groupe, d'autant qu'en
plus des membres de la troupe, certains de nos conjoints nous accompagnent pour
nous décharger un peu de l'intendance.
Il faut également garder à l'esprit que parfois il y a des moments de
moins bien. Sur le jeu, Avignon c'est l'école de l'excellence et de l'exigence.
Si la pression est relâchée ne serait-ce qu'un instant, la sanction tombe tout
de suite. Il y a fatalement moins de monde. Le secret pour passer ce petit coup
dur c'est de se remettre en question et de travailler encore plus sans se
rejeter la faute sur les uns et les autres. C'est là que l'esprit de troupe est
le plus fort.
Maria-Nella : Maintenant changeons un peu de sujet. Tu es vice-président de l'association des Petits
Molières. Peux-tu nous en dire un mot ?
Stéphane Théron :
Notre première pièce, « tradition oblige », était jouée à
l'époque au Proscenium, théâtre dirigé à l'époque par la famille Boiteux. C'est
là que j'ai rencontré Pierre, Président de cette association. Il y a un an,
Pierre m'a proposé de prendre la vice-présidence.
Tout comme les Molières, l'objectif de l'association est d'effectuer
une sélection de spectacles dont les meilleurs seront récompensés par un prix
au cours d'une cérémonie. Mais au-delà, l'idée est de fédérer les théâtres de
moins de 150 places à Paris, à Avignon et à Lyon, pour leur donner de la
visibilité.
https://www.lesptitsmolieres.com/
Maria-Nella : Comment
s'effectue la sélection?
Stéphane Théron :
Nous avons une liste de théâtre affiliés qui rendent certains de leurs
spectacles éligibles. Les jurys, composés de passionnés du 6e art,
doivent voir au moins quinze spectacles de septembre à juin. A l'été, un
premier vote est effectué pour désigner les nommés dans 16 catégories. A
l'automne, un nouveau vote élit le/la meilleur de sa catégorie. Cette sélection
est ponctuée d'une cérémonie en décembre au cours de laquelle les choses sont
faites sérieusement sans se prendre trop au sérieux.
L'une des particularités des Petits Molières est que la province n'est
pas en reste car tout ne se fait effectivement pas qu'à Paris. En effet, l'une
des volontés des Petits Molières est de mettre l'accent dans des villes qui ont
un tissu de théâtre important, comme Lyon et Avignon. Il y a d'ailleurs des
propositions pour envisager d'autres villes
Maria-Nella : Dernière
question Stéphane. Quels sont les projets d'avenir plus ou moins proche pour Saynète
et sans bavure ?
Stéphane Théron :
Nous sommes en train de réfléchir à un nouveau spectacle et nous
sommes également à la recherche d'opportunités qui vont nous faire évoluer. Aujourd'hui,
je n'en reviens pas du chemin parcouru entre le petit atelier de théâtre en
2011, notre premier festival l'an dernier et bientôt notre deuxième cette
année. La seule chose que je peux te dire c'est que nous ne sommes qu'au début
de l'aventure.
Maria-Nella :
Et je vous la souhaite la plus longue et la plus pétillante
possible !
Si vous ne croyez plus au Père Noël, je ne peux que vous inciter à
aller voir cette pièce qui sent bon la naphtaline et le sapin. Dans cette
version, la compagnie a pris le risque d'adapter l'œuvre à notre époque
contemporaine tout en la conservant dans son jus de serpillière-gilet. Avis aux
amateurs de motifs écossais et de répliques sous forme de grincement de dents !
Cette pièce est un vraie surprise et pour le Père Noël de Saynète et sans
bavure, il lui importe peu que vous ayez été sage ou non. Un p'tit coup à boire
lui suffira pour se calmer... ou pas...
Et maintenant, à vous de jouer !
Maria-Nella
Une pièce de Josiane BALASKO et la Troupe du Splendid
Mise en scène : Sylvie AUGER
Avec (en alternance) : Deniz Atay, Olivier Bauwens, Laetitia
Bonmartel, Alexan Bidou, Florine Celestin, Isabelle Degraeve, Stéphane Deleau,
Alexandre Guédé, Arnaud Kob, Sébastien Lumbreras, Mathilde Serre, Stéphane
Théron
Théo Théâtre
Comédie - Durée 1h20 - Tous les samedis du 1e février au 25 avril 2020