Smile

Londres, 13 septembre 1910. L'orage gronde. Dans un pub du nord de la ville, le Mitz, Hetty, une jeune danseuse de music-hall attend un mystérieux inconnu. Ce dernier lui a donné rendez-vous en écrivant au rouge à lèvres sur le miroir de sa loge. Contre toute attente le mystérieux inconnu est en retard de plus de dix minutes. Pour tromper l'ennui qui commence à la gagner, Hetty engage la conversation avec Alphonse, le barman. Très vite une gentille complicité va commencer de se tisser entre la danseuse et  Alphonse. Mais celui que nous n'attendions plus entre dans le pub comme une tornade. C'est un petit bonhomme au teint blafard, pas très sûr de lui, vêtu d'un pantalon trop grand et d'une veste trop courte, déchaussé, et pâle comme un linge. Il s'agit de Charlie, un collègue d'Hetty qui joue dans le même music-hall tenu par un certain Fred Karno. Subjugué par la beauté et la gentillesse d'Hetty, Charlie est porteur d'un message qui pourrait bien changer leurs destinées à tous les deux… et pourquoi pas celle d'Alphonse indirectement.

La pièce « Smile » est en fait le regroupement de trois pièces dans une seule et même œuvre. En effet, à travers le point de vue des trois protagonistes, la pièce met un coup de projecteur sur un épisode assez peu connu de la vie de Charlie Chaplin juste avant que sa carrière n'explose. Ainsi, le public comprend aisément comment cet artiste au talent immense s'est à un moment de sa vie retrouvé à la croisée de son existence et qui, par la force des choses, a été propulsé sur le devant de la scène mondiale par le sacrifice d'une femme qui restera à jamais son seul et unique regret. Cette même femme planera sur sa carrière, sur son œuvre et sur sa vie comme un fantôme en noir et blanc. Les amours les plus purs sont ceux qui n'ont pas été vécus.

Au début de ce spectacle, le public peut paraître un peu perdu mais très vite les codes des débuts du cinéma font surface notamment dans la gestuelle et le mime. Même le décor est emporté par le rythme frénétique de cette pièce tout en finesse. Smile est une pièce authentique, dont l'originalité réside dans le fait qu'elle est intégralement jouée en noir et blanc. Ici aucune couleur ne passe à travers le filtre de la pellicule de ce début du XXe siècle. Côté jeu, les comédiens sont bluffant de sincérité. Le pantomime est omniprésent frisant parfois le comique de situation à la Benny Hill. Et le public se surprend à rêver que Charlie Chaplin se tient réellement sur scène tant le souci du détail est omniprésent dans la gestuelle.

Smile signe une œuvre riche d'émotion qui s'arrête sur un instant décisif de la vie de l'artiste. Au tombé de rideau, Martine, Malachy, Julien* et moi-même étions remplis d'émois. A la sortie du théâtre, une scène du film « My autobigraphy » m'est alors revenue en mémoire. Face à l'adversité et aux épreuves qui ont touché l'artiste, un assistant de Charlie Chaplin lui demande :

- « Qu'est-ce qu'on fait Charlie ?
- Sourire »

Et maintenant, à vous de jouer !
Maria-Nella

*les prénoms ont été changés

Auteurs : Nicolas Nebot, Dan Menasche
Mise en scène : Nicolas Nebot
Avec : Alexandre Faitrouni, Dan Menasche, Pauline Bression
Régisseuse plateau : Emmanuelle Lagourrès
Costumière : Marie Credou
Musique : Dominique Mattei
Lumière : Laurent Beal
Maquilleuse : Zoé Cattelan

Théâtre des Béliers Avignon - du 7 au 29 juillet à 20h50 - Relâches : 9, 16, 23 juillet

 https://www.festivaloffavignon.com/programme/2023/smile-s32773/