Pølår. Comment écrire un polar suédois sans se fatiguer

10/08/2019


Tout le monde le sait, à Paris au mois d'août c'est le désert. Et le moins que l'on puisse dire (ou écrire), c'est que le monde du théâtre ne fait pas exception. Mais en cherchant bien, l'activité n'est pas non plus complètement à l'arrêt et cela peut donner lieu à de belles surprises.

En décembre dernier, j'ai assisté à une représentation de "Pølår. Comment écrire un polar suédois sans se fatiguer". Je vous avoue que cette pièce avait été une jolie surprise. A l'époque je voyais beaucoup de comédies, toutes très bien, mais qui manquaient un peu d'originalité. Avec Pølår, j'ai été servie en la matière. Il y a quelques semaines, j'ai appris que cette pièce avait fait l'objet d'un lifting et cela a piqué ma curiosité. J'ai donc décidé d'assister à une deuxième représentation, ce que je fais à de rares exceptions au théâtre.

Comme la première fois, quand le public prend place, le rideau est levé. Gardé par deux sapins en plastique à la fausse neige venant directement du rayon fêtes de fin d'année de Tatie Barbes, trône au milieu de la scène le titre de la pièce, enfin juste "Pølår", le titre entier mordrait sur les coulisses. Dès les premières secondes, le public est plongé dans l'ambiance scandinave. Pas seulement parce que le décor pourrait être sponsorisé par Ikea (fauteuil à roulettes très pratique pour les enchaînements de scènes), mais parce que toute la soirée sera placée sous le signe des stéréotypes de la culture suédoise : musiques et costumes d'ABBA (mon côté années 70 faisait des bonds), petit drapeau jaune et bleu caché dans la plaque minéralogique de la voiture 3761QR, villes aux noms à rallonge, sauna et le côté (très) nature des scandinaves (les copines, mettez-vous au premier rang, grrrr)...

Pølår. Comment écrire un polar suédois sans se fatiguer. Vaste réflexion. Qui dit polar, dit enquête. Qui dit enquête, dit crime. Qui dit crime, dit coupable. Qui dit coupable, dit histoire. L'inspecteur Ake Larsson enquête sur le meurtre d'une petite fille assassinée à la manière de shining. A partir de là, tout va s'enchaîner dans une mise en scène originale et rythmée : des scènes de police scientifiques, de la danse en mode paillette-perruques-boule à facette, des placements de produits, des passages à tabac façon catch, un jeu de télé-réalité promotionnel, et même de l'érotisme. Cependant, l'objectif premier de cette pièce n'est pas forcément d'apprendre qui a tué la petite fille. Pendant que l'intrigue policière se joue, par des ruptures subtiles du quatrième mur, les comédiens vont en fait donner un cours magistral afin d'écrire un polar à succès. Le public devient alors un personnage à part entière de la pièce, à savoir de futurs auteurs en herbe.

Côté jeu, les cinq acteurs vont enchaîner un éventail de personnages les plus loufoques les uns que les autres : l'inspecteur Ake Larsson (Cyril BENOIT) vêtu d'un impair à l'odeur alléchée, le boss incapable (Hubert ROULLEAU) qui a toujours un temps de retard, la journaliste (Macha ISKANOVA) qui fourre son nez partout, le collègue flic au look cop of the 70's, une lectrice aux très belles jambes... poilues (Louis OULD-YAOU), une vieille tante acariâtre vendue avec tout l'attirail vieillot, un vendeur de hot dog fourré aux sachimis (Thomas LEMAIRE), sans oublier une multitude de rôles de figuration... le tout dans un registre extrêmement varié, la danse et le mime ont une place importante dans cette oeuvre. Il est à souligner le joli travail de masque en mode cartoons de Tex Avery. D'où ma question : "comment Ake Larson n'a-t-il pas eu une crampe au niveau de l'arcade sourcilière?". En outre, les acteurs enchaînent les scènes avec une précision de métronome. Tout semble être calculé au temps près tout en gardant une certaine spontanéité. Parfois, il est à se demander si certaines répliques ne sont pas improvisées tant les choses semblent spontanées.

Pour ce qui est des changements entre la version Pølår d'hiver et la version Pølår d'été, je dirais que cette nouvelle interprétation se dote d'un rythme encore plus soutenu. En effet, un gros travail a été effectué sur les transitions (moins de noirs, des enchaînements plus rapides, des dérapages contrôlés...). Certaines scènes ont été complètement remises à plat, d'autres ont même été supprimées. Toutes ces transformations ont été mises au service du rythme et des gags pour que l'intrigue gagne en intensité et en humour. Et le pari est plutôt réussi. Le public avait la banane en sortant du théâtre ou plutôt la patate façon hasselback.

Pour finir, l'originalité de cette pièce réside principalement dans le fait qu'elle ne se structure pas comme une comédie classique avec un début, un milieu, une fin et l'amant dans le placard. Pølår est construite sur deux plans : premièrement, la méthode pour écrire un polar ; deuxièmement, une enquête policière pour toile de fond. En gros, une histoire dans l'histoire, méthodologie littéraire et scénettes illustratrices à l'appui. 

Bref, je persiste et je signe. Le point commun entre les deux interprétations est que cette pièce est une vraie trouvaille d'originalité dans le monde de la comédie. On ne peut que lui souhaiter de rester le plus longtemps possible à l'affiche, affiche qui s'inspire d'ailleurs des codes couleurs des romans noirs scandinaves. Tout est vraiment dans le détail, sont forts ces Vikings...

Et maintenant, à vous de jouer!
Maria-Nella

D'après une bande dessinée d'Henrik LANGE
Une création de Marc RISO
Avec en alternance : Rémi JOHNSEN, Cyril BENOIT, Thomas LEMAIRE, Louis OULD-YAOU, Hubert ROULLEAU, Boris BEGARD, Macha ISAKOVA
Décors : JYAC Lemaire
Création lumières : Mickaël BOUEY
Chorégraphie : Vanessa VILLAIN
LE RETOUR DE NABOT LEON

Funambule Montmartre - du 18 mai au 1e septembre 2019
 Les samedi à 17h30 et les dimanches à 20h00
Puis en tournée à partir de l'automne 2019