Lisa et moi

08/09/2018

En allant voir ce seul en scène, je ne pensais pas avoir rendez-vous avec Mona Lisa. Vous me direz qu'il ne faut pas sortir de Science-Po pour se dire qu'en lisant le titre de ce spectacle, il y a pourtant de grandes chances que cela arrive. Mais quand j'écris "avoir rendez-vous avec Mona Lisa", cela insinue avoir rendez-vous avec le personnage mais également avec l'histoire du tableau. Avec ses vieilles pierres et son plafond voûté, la salle du théâtre Essaïon se prête d'ailleurs très bien à ce récit.


Le rideau (virtuel) se lève sur une scène vide tout accessoires. L'acteur, tout de noir vêtu, vient installer deux trois éléments de décor et dès les première minutes de son spectacle, les murs du théâtre s'effacent au profit d'une large salle, haute de plafond, aux murs beige-sable et étrangement familière. Nous sommes au Louvre, dans la salle des Etats. Depuis quelques années, la Joconde n'a pas bougé d'un cil mais son regard reste imperturbable. Dans ce seul en scène, l'acteur rentre à la fois quand la peau du personnage mais également (et littéralement) dans la toile. A l'aide d'un décor simple mais ingénieux, il prend délibérément la place de Mona Lisa, malgré sa barbe poivre et sel (ce qui en fera rire plus d'un dans le public). Arborant son sourire mystérieux, qui fera d'ailleurs l'objet d'un chapitre incontournable, la Joconde, à la fois femme et portrait, nous raconte l'histoire de sa vie, en prenant parfois la liberté de sortir du cadre et de venir saluer le public pour un échange amical.


A travers ses anecdotes depuis Florence en passant par Tokyo, Mona Lisa nous expose simplement comment elle s'est rendue célèbre depuis que Léonard de Vinci a honoré (sans la livrer) la commande de portrait de son mari Francesco del Giocondo. Aujourd'hui, elle est à la fois l'objet de toutes les attentions mais subit également les dérives dues à sa notoriété (millions d'inconnus lui tirant le portrait, selfies et j'en passe). Enfermée derrière son bouclier de verre, on comprend son regret de plus pouvoir beaucoup voyager. Elle se console en se disant que c'est le monde avec toutes ses cultures et ses langues qui vient à elle. Pourtant, elle a beau être le plus célèbre tableau du monde, Mona Lisa se sent parfois un peu seule devant ces rangées de touristes. Et même si la salle des Etats comporte d'autres toiles magnifiques, les visiteurs n'ont d'yeux que pour elle. C'est sûr que le tableau de Veronese, les Noces de Cana, fait grise mine à côté de son illustre voisine. La Joconde prend alors le public à témoin en lui confiant les réflexions des visiteurs et notamment le fameux "tout ça pour ça?!". Moi aussi quand je suis allée lui rendre visite je me suis surprise à le dire. Car aussi illustre soit-il, le tableau ne fait que 77cm sur 53. Et ne me dites pas le contraire. Je suis à peu près certaine que beaucoup d'entre vous qui n'étaient pas au courant se sont dit la même chose quand ils se sont retrouvés face à cette "grande" Dame.

Une heure et quart plus tard, après avoir abordé ses divers voyages, ses aventures, ses cachettes plus ou moins légales, les méthodes pour la protéger des conflits et les millions de regards qui se sont posées sur elle, Mona Lisa nous laisse à ses réflexions poétiques. Tout au long du spectacle, cette dernière ne se met pas en avant de manière ostensible. Elle reste simple et accessible. En outre, la "Gioconda", n'oublie pas de faire la part belle à son créateur de génie et de rendre un vibrant hommage à cet autodidacte. Car, aujourd'hui encore, derrière ce portrait source d'inspiration artistique et de mystère, le "maître" n'est jamais loin.

Au sortir du théâtre, Julien*, mon fidèle compagnon d'échappées culturelles, me dit : - "J'adore le théâtre mais à chaque fois, je décroche quelques instants. Et bien pour la première fois, ce soir, je n'ai pas décroché".

Je crois que tout est résumé.

Et maintenant, à vous de jouer.
Maria-Nella

De et par Laurent BROUAZIN

*le prénom a été changé

Théâtre Essaïon - 7 septembre 2018