Les 1001 vies des urgences

12/09/2019

Quand ma "collègue-copine" Isabelle* a déboulé comme une furie dans mon bureau il y a quelques jours pour m'annoncer qu'elle avait obtenu deux places pour la première Parisienne "des 1001 vies des urgences" et qu'elle souhaitait absolument que je l'accompagne, j'avais plutôt intérêt à dire oui. Il y a quelques mois Isabelle a assisté à la pièce "une vie sur mesure" et a été séduite par le jeu et le dynamisme d'Axel Auriant. 


Le rideau se lève sur un plateau presque nu. Seul un lit d'hôpital est installé à jardin. Un jeune comédien (Axel AURIANT) déboule alors sur scène et entame un solo de batterie. Après s'être bien défoulé à coup de baguettes presque magiques, ce batteur narrateur se présente comme un jeune interne en médecine. Son quotidien est principalement rythmé par sa vie à l'hôpital. Après une brève visite des différents services, le jeune médecin nous informe que le cinquième et dernier étage de son lieu de travail, est dédié aux services de cancérologie et de soins palliatifs. C'est également l'étage où réside une patiente en phase terminale de cancer, la femme oiseau de feu avec laquelle le jeune médecin se lie d'amitié. Cette femme, représentée par une marionnette de poupée de chiffon, a une obsession : son fils. Alors qu'elle est sur le point de rendre son dernier souffle, ce fils également étudiant en médecine est coincé quelque part à cause de l'éruption du volcan Eyjafjöll**. Le jeune interne va donc tenter de tenir sa patiente éveillée jusqu'à l'arrivée du fils prodigue en lui racontant des histoires toutes plus originales les unes que les autres. Tout au long de l'intrigue et avec la complicité de certains de ses collègues, ce jeune médecin va déployer des trésors d'ingéniosité, de poésie, d'humour et d'humanité pour que sa patiente s'accroche encore un peu à la vie. 


Le décor dans les tons blanc et bleu se dévoile tout au long du spectacle. D'abord un lit à jardin qui recevra toutes les consultations possibles et imaginables (et Dieu sait que le personnel hospitalier en voit des vertes et des pas mures). Puis à cour, un autre lit où repose la femme oiseau de feu est installé. Au centre, en fond de scène, un immeuble représentant l'hôpital semble contempler le plateau de toute sa bienveillance. Le rideau du fond s'éclaire de temps en temps pour se transformer en ciel bleu nuit parsemé d'étoiles. La pièce suit une chronologie précise se déroulant sur 7 jours, une petite ardoise à cour, dépassant du rideau, venant rappeler ce repère temporel.

Côté jeu, Isabelle avait raison, Axel Auriant est un comédien très prometteur. J'avoue que sa capacité de concentration était bluffante. J'en veux pour preuve les litres de flotte qu'il a perdu et ce dès les premières minutes du spectacle (signe physique de concentration extrême notamment chez les danseurs). Avec son look de vieux-jeune et ses airs d'Harry Potter adulte, Axel semble mener un combat puissant contre la fuite du temps, où le texte et son dynamisme sont ses armes favorites. Et ce jeune comédien a plus d'un tour de magie dans son sac (ou dans son chapeau de sorcier). Il joue tous les personnages et anime même la marionnette de la femme oiseau de feu. Enfin, grâce à ses talents de musicien, il arrive à transformer un lit médicalisé en lit musicalisé.


La mise en scène (Arthur JUGNOT) quant à elle semble servir la poésie de l'oeuvre avec délicatesse et modernité. Le public est un personnage à part entière car témoin du drame qui se joue. La meilleur illustration réside dans le fait que, dans la plus pure tradition du théâtre contemporain, Axel rompt le quatrième mur. Et à votre avis, quelles sont les comédiennes d'un soir qui ont été choisies? Premier rang oblige, Isabelle et moi. Ma "collègue-copine" s'est même vue par deux fois gentiment contrainte d'intervenir. Autant vous dire que je n'ai pas boudé mon plaisir de rigoler à gorge déployée pendant qu'Isabelle devenait aussi rouge que le siège. Je n'ai cependant pas fait ma fière quand le comédien a posé les yeux sur moi en imaginant ma disparition prochaine (nous touchons du bois) sur fond de LSD.


Plus globalement, les 1001 vies des urgences traite d'un sujet lourd mais sans tomber dans un bol d'antidépresseurs. En effet, c'est un véritable numéro d'équilibriste que de traiter de la fin de vie de manière si poétique. Il fallait oser, un sujet pareil est loin de susciter l'hilarité des foules. On sent que le texte a été écrit par quelqu'un du métier (Baptiste BEAULIEU, dans la salle ce soir-là). En outre, au-delà de l'intrigue principale, des histoire de petits et gros bobos du corps et de l'âme, les 1001 vies des urgences aborde des sujets plus variés : l'originalité de certains patients, leurs facultés à se faire mal involontairement ou volontairement à des endroits improbables du corps humain, les collègues chelous qui semblent habitués à ces situation ubuesques, la question des accompagnants, le carpe diem, le semblant détachement humain du corps médical pour ne pas sombrer à son tour, l'espoir des proches dans la médecine pour traiter "le Alzheimer" et autres pathologies...

Pas étonnant que cette pièce ait été un succès à Avignon. Au tombé de rideau, le public applaudissait à en faire écrouler le théâtre. Et ce succès a même dépassé les murs des Béliers. Dans le métro, nous avons même échangé avec un charmant petit couple qui venait d'assister à la pièce et que nous avons croisé par hasard. Isabelle quant à elle était ravie de m'avoir fait découvrir un comédien aussi talentueux. Et moi, quelque part j'étais rassurée de savoir que je quitterai peut-être cette Terre sur la mélodie parlant d'un bateau sur une rivière, avec des arbres de mandarine et un ciel de marmelade...


Ça vous intrigue? Et bien maintenant, à vous de jouer!
Maria-Nella

*le prénom a été changé

**Soyez rassuré(e)s. Je suis comme le commun des mortels. J'ai du chercher sur Internet le nom exact du volcan Islandais qui a stoppé le transport aérien européen en 2010. Et quand je relis l'article à voix haute, je suis incapable de prononcer ce nom :-).

De Baptiste BEAULIEU (Adapté du blog et du livre « ALORS VOILA ! »)
Avec Axel AURIANT
Mise en scène Arthur JUGNOT

Théâtres de Béliers Parisiens - 12 septembre 2019
Du mercredi au samedi à 21h00
Le dimanche à 15h00

https://www.theatredesbeliersparisiens.com/Spectacle/les-1001-vies-des-urgences/