L'école des femmes

25/05/2019

Ce soir à la Comédie Nation, a lieu la dernière représentation de la saison de l'Ecole de Femmes de Molière, interprétée par la troupe des Veilleurs d'Aurore (que de poésie dans ce nom). Et c'est accompagnée de mes ami(e)s Birgitte* et Nadir (des chroniques de M. N) que je traverse le tout Paris pour assister à ce classique.


Est-il nécessaire de rappeler l'histoire? Bon, puisque vous insistez. Arnolphe, un vieux bonhomme qui vient de changer de nom au profit d'un patronyme plus noble, élève depuis sa plus tendre enfance, une petite orpheline prénommée Agnès. Depuis la mort de la mère de cette dernière, Arnolphe pourvoit aux besoins de sa petite protégée tout en assurant son éducation. Sympa me direz-vous. Ben pas tant que ça. Surtout quand vous apprendrez que le vieux baveux souhaite en fait se taper sa petite pupille quand elle sera en âge, si vous voyez ce que je veux dire. Berk... Pour parvenir à ses fins, Arnolphe a élevé Agnès dans l'ignorance la plus totale afin de la rendre malléable à ses désirs comme de l'argile. Mais les choses ne vont peut-être pas se passer comme prévu, car Agnès est peut-être ignorante mais pas inintelligente. (Et bing!!! Dans sa g...).


La mise en scène signé Christian Bujeau est un mélange des codes du XVIIe siècle saupoudré de quelques éléments empruntés au XXIe. Côté décor, le public peut constater que la scène est divisée en deux. A jardin, un décor représente une jolie petite maison, celle où vit Agnès, dont la façade est ornée de roses délicates et de fleurs champêtres. A cour, une maison peinte en verte, moins esthétique et où vivent les paysans d'Arnolphe, gardiens de la petite Agnès. Une symbolique peut-être vue à travers ce décor. D'une part, le côté fragile et frais de la maison d'Agnès mais dont les épines des rosiers grimpants peuvent être dangereuses pour qui ne s'en méfie. Et d'autre part, l'autre maison plus brute, représentant toute la grossièreté et la maladresse du personnage d'Arnolphe.


De temps en temps de petits anachronismes viennent pimenter le jeu mais ils ne dominent jamais la mise en scène (utilisation d'accessoires, de costumes...). Ainsi la pièce reste dans l'ambiance du XVIIe siècle tout en s'accordant quelques clins d'œil subtils de modernité. Je n'en écris pas plus sur ce point car je risquerais de vous dévoiler des aspects très drôles de cette comédie. Le seul indice que je m'accorderais à vous donner est que le vent du nouveau monde souffle de temps à autre sur cette interprétation.

Le souci du détail est également de rigueur dans cette pièce. On ne peut s'empêcher de remarquer les talons rouges de ces Messieurs rappelant ce détail vestimentaire que les Nobles de la Cour avaient emprunté à Monsieur Frère du Roy. Particularité qui ferait pâlir un chausseur du XXIe siècle et dont le rouge sur les semelles de ces Dames est la marque de fabrique. 
Chose assez originale, les entrées et sorties de scène s'effectuent par l'avant et moins sur les côtés faisant du public un élément du décor à part entière, voire le 10e personnage de cette comédie.

Côté jeu, les comédiens (plutôt jeunes) semblent rentrer assez aisément dans la peau de leur personnage. Agnès, jeune et frêle, me fait parfois penser au personnage de Yollande dans un Air de Famille. De prime abord, elle a l'air naïve mais fait preuve d'une sacrée dose de malice pour arriver à ses fins. Le juvénile Horace, dégainant des trésors d'ingéniosité pour toucher au but, se fait sans arrêt rattraper par son inexpérience. Le potentiel comique des autres personnages est également à souligner (le jeune notaire à perruque prêt à dégainer ses contrats, le couple de paysans un peu lourdaud au jeter d'éponge assez facile, les nobles complices mais également suspicieux à l'encontre d'Arnolphe, Enrique à la démarche bruyamment métallique). Je tiens à saluer la performance de Vincent Cordier (Arnolphe). Le comédien parvient avec brio a transporter son auditoire vers le dessin tragique qu'il a prévu pour Agnès. De plus, sans forcément prononcer une parole, le public rit énormément par son habile jeu de masque et de mime. Au delà de l'aspect scénique, Arnolphe est un des rôles du répertoire demandant l'une des plus grandes endurances. A ce titre, le personnage fait très peu de sorties de scène et il faut pouvoir tenir l'heure et demi. Bravo Vincent! Les JO 2024 sont à portée de main, épreuve marathon.

Pour conclure, cette jeune troupe a eu l'audace de monter une pièce d'un sacré niveau. En effet, l'Ecole des Femmes n'est pas l'oeuvre la plus simple du Maître. Déclamer en vers est déjà un exercice difficile (mais classe) et les Veilleurs d'Aurore ont fait le choix de garder bon nombre scènes souvent "coupées au montage". Tout en respectant les codes de Molière, la mise en scène joue sur la subtilité avec ses petites références modernes.
"Les veilleurs d'Aurore". Retenez ce nom car il va à ravir à cette troupe de jeunes professionnels. Je dis ça, je dis rien, mais je pense que dans un avenir plus ou moins proche, le 6e art va sans doute éclairer de ses rayons chatoyants ces Veilleurs d'Aurore. 

Et maintenant, à vous de jouer!
Maria-Nella

Compagnie : Les Veilleurs d'Aurore
Texte de Molière
Mise en scène de Christian BUJEAU
Comédiens :
- Drys Penthier : Chrysalde
- Axel Kurdzielewicz : le notaire et Enrique 
- Maxime Soulier : Horace
- Olivera Trajkovic : Georgette
- Vincent Cordier : Arnolphe
- Meghane Sardin : Agnes
- Thomas Soler : Alain et Oronte

*le prénom a été changé

Comédie Nation - 24 mai 2019
Dates des prochaines représentations : 25 février 2020 - 19h30, 3 mars 2020 - 19h30, 
13 et 20 mars 2020 - 21h00