Fushigi! 不思議 !

13/04/2019

Un spectacle d'impro sur le thème de Miyazaki. 

Fushigi, (littéralement merveilleux, mystérieux, miraculeux) ou comment créer de toutes pièces un spectacle d'improvisation théâtrale sur le thème de Miyazaki. Autant l'écrire tout de suite : un véritable numéro d'équilibriste, pour ne pas dire un exercice casse g...

Ce soir là, je suis accompagnée au théâtre de Nesle de mon amie Jabirou, très grande fan de l'œuvre du maître japonais. Quant à moi qui suis personnellement imprégnée de cette culture nippone chère à mon cœur, je suis très curieuse de voir comment cette troupe va s'en sortir.

Le point de départ de ce spectacle est identique à chaque représentation. Le public est invité à choisir une couleur qui déterminera l'univers du spectacle : rose, bleu, vert... De là, une histoire à chaque fois nouvelle se construit autours des codes des films de Miyazaki.

Hier soir, le public a choisi la couleur rose. Baignée d'une lumière « bonbon à la fraise », quatre comédiens commencent l'exercice. Voilà le résumé de l'histoire créée de toutes pièces ce soir là :

« Il était une fois dans un pays lointain, une jeune demoiselle prénommée Emma, petite fille de fabricant de jouets. Elle vivait dans un village pauvre et sale, dont la boue recouvrait les rues et les maisons. Un beau matin, aidée de son grand-père, la jeune demoiselle part pour le château de cristal, là où habite le Roi et sa famille. Emma vient leur apporter sa dernière création : une poupée en porcelaine. Face à ce travail d'une telle finesse, le Roi demande à la jeune artisane de rester au château pour confectionner d'autres jouets. Au début réticente, la jeune fille finit par accepter. Guidée par le garde Miro/Miko et aidée par les bons génies de l'atelier royal, la jeune fille commence à travailler d'arrache pied pour répondre aux caprices de la Princesse.

A ce moment de l'intrigue, le public apprend que la famille du Roi est maudite. Le Reine a été transformée en lynx bleu et quand le couple royal perd patience, le Roi et la Reine se transforment en êtres malfaisants gigantesques. La « petite » princesse, elle-même n'échappe pas à la malédiction. Quand elle est triste ou qu'elle se met en colère, elle aussi grandit grandit grandit jusqu'à dépasser la cime des arbres. En outre, elle vieillit plus rapidement que les autres enfants de son âge. La seule chose qui permettrait de stopper son vieillissement prématuré serait de fabriquer le jouet idéal pour lui redonner le sourire et préserver son âme d'enfant.

Après avoir passé un peu de temps avec la princesse, la petite artisane comprend alors que la jeune héritière n'est pas maudite. Elle est juste très triste de ne pas pouvoir quitter son château de cristal et voir le monde extérieur. Maligne, Emma convainc alors le Roi de la laisser prendre sa fille en stage dans l'atelier de son grand-père afin de lui apprendre à fabriquer des jouets. Officieusement, il s'agit plutôt de lui faire rencontrer d'autres enfants et de lui montrer l'extérieur du château.

La petite princesse descend donc au village accompagnée de la jeune artisane. Très vite, la princesse constate que le peuple est pauvre, que le village est sale et que des mendiants foisonnent dans les rues. Dans les jours qui suivent, alors que la Princesse aide à la fabrication de jouets, cette dernière est attirée par des enfants jouant dans un parc. Avec Emma, elles prennent donc part au jeu. Mais très vite le mauvais caractère de la Princesse prend le dessus et cette dernière fait des caprices. En pleurant, la voilà qui grandit, grandit grandit!!! Ses larmes forment alors un torrent qui emporte toute la boue du village sur sur son passage. Une fois la crise passée et pour aider à la reconstruction, la Princesse et la jeune artisane fabriquent dans l'atelier un éléphant violet qui grâce à sa trompe puissante débarrasse le village des larmes de la princesse qui se sont mélangées à la boue. Le village retrouve alors son éclat de cristal. La princesse qui au cours de cette histoire a appris l'amitié n'est plus maudite, le sort est conjuré. La jeune artisane et la petite Princesse décident alors de glisser sur un toboggan de cristal et de joie. »

Dans ce spectacle original et différent à chaque fois, le public retrouve aisément les codes des films de Miyazaki : des méchants complexes (mais pas forcément si méchants que ça), la place prédominante des héroïnes, qui existent pour elles-mêmes et pas au travers du prisme masculin, un imaginaire coloré et surréaliste parfois poussé à l'extrême, une histoire par forcément figée sur le story-board et qui avance pas à pas... Contrairement aux spectacles d'improvisation classiques, dans Fushigi, l'exercice ne se limite pas à l'action des personnages. Tout est impro : le paysage qui défile, les portes qui s'ouvrent, les larmes qui coulent, même le décor est prétexte à être mimé. L'action teintée de narration à cour, est également interprétée en plan large à jardin par un mime à 16 mains.

Surprise de ce spectacle : le régisseur est le cinquième improvisateur. Armé de sa technique, c'est lui qui fini par mettre la touche finale à l'impro par des musiques ou des bruitages d'inspiration Miyazakienne et qui illustreront l'action. En outre, le jeu de lumières fait partie intégrante de ce spectacle pour donner encore plus de vie au langage corporel.

L'originalité de ce spectacle pousse le public à être curieux. Et ça, la troupe l'a bien compris. Après le spectacle, les comédiens, le metteur en scène et le régisseur, consacrent une vingtaine de minutes aux questions du public. Car ce spectacle créé en 2017 répond à un enjeu majeur, celui de sortir des codes classiques de l'improvisation pour en donner une image poétique d'inspiration "Miyazakienne".

Bref, un pari audacieux et qui transmet avec justesse la vision que le cinéaste japonais aurait pu lui-même créer sur scène.

Et maintenant, à vous de jouer!
Maria-Nella

Mise en scène : Ian PARIZOT
Avec (en alternance) : Clémence PENICAUT, Paul NEDAD COLOM, Dorine BOCQUET, Cyprien CHEVILLARD, NIcolas PERRUCHON, Julie DOUINE, Vincent LECONTE et Claudia COCHET

Création musical : Thomas ROUSSON, Matthieu LAISSY, Victor BERNARD DELVAUX
Création lumière : Léonidas HERRERA
Again! Production 

Théâtre de Nelse - 13 avril 2019