Dominique Lhotte : attachée de presse
Il y a quelques mois, quand j'ai créé la rubrique interview de ce blog théâtre, je voulais certes mettre en lumière les comédiens, les metteurs en scène et les auteurs... mais aussi les gens de théâtre qui officient dans l'ombre. J'ai donc choisi cette fois-ci de donner la parole à Dominique Lhotte, attachée de presse dans le monde du spectacle.
Pour être tout à fait honnête avec vous, avant de connaître Dominique, je ne savais pas trop en quoi consistait le travail d'un attaché de presse. La seule image que j'en avais était la caricature faite par Elie Kakou dans ses sketchs et la définition qu'il en donnait : « C'est pas moi qui écrit dans la presse. Moi je conVOque la presse, nuance !!! ».
Mais au-delà d'un communiquant chargé de faire le lien entre artistes, public et médias, c'est quoi un attaché de presse ? J'ai donc demandé à Dominique de nous retracer son parcours et de nous dévoiler les aspects son métier.
Maria-Nella : Dominique,
peux-tu en en quelques phrases nous retracer le parcours qui t'a amené à
devenir attaché de presse dans le spectacle ?
Dominique Lhotte :
Après un bac technico-commercial et un BTS action-co, j'ai été contrainte
de travailler. J'ai donc commencé dans la grande distribution, puis j'ai
enchainé dans la téléphonie mobile. Pour payer mes études, j'avais toujours côtoyé
le milieu de la restauration. Après ces expériences professionnelles, j'ai
choisi de monter une affaire à Avignon en achetant un bar de quartier que j'ai
transformé en bar culturel et qui a fonctionné pendant sept ans. Il s'appelait
le « bar de l'angle ».
Pendant trois ans nous avons monté une programmation pour le Festival extra-muros d'Avignon et même une collaboration avec le IN, et ce fut un franc succès. Quand j'ai vendu mon affaire, des compagnies d'Avignon qui jouaient dans mon bar m'ont demandé de faire l'intermédiaire avec la presse et l'aventure a réellement commencé. Les contacts que j'ai développés lors de cette expérience, m'ont permis de réaliser un rêve de jeunesse. Puis j'ai eu la chance de rencontrer Jérôme Sonigo de la société BC diffusion qui m'a offert les opportunités de développer mon activité. Mon objectif premier était surtout de travailler avec les compagnies émergentes qui ont besoin de notoriété pour pouvoir vendre leurs spectacles.
En y réfléchissant, toutes ces expériences professionnelles m'ont servi dans mon métier d'attaché de presse. Mes parents étaient commerçants et mon donné le goût du contact humain. Et quelque part un attaché de presse c'est un « commerçant » dans le milieu artistique.
Maria-Nella : Quelles sont
les qualités qu'il faut avoir pour être un bon attaché de presse ?
Dominique Lhotte :
La première des qualités c'est d'être humain et de rester dans des
rapports très conviviaux avec nos interlocuteurs qu'il soit artistes,
journalistes, compagnies, blogueurs... Il faut savoir créer des liens entre tous
et le plus difficile, les entretenir.
La maîtrise et le goût du sujet est également l'une des clés du métier.
Par exemple, je travaille beaucoup sur des thématiques de femme, du couple... qui
sont des sujets qui me parlent.
En outre, il faut avoir « la tchatche », garder sa joie de
vivre et être force de persuasion mais sans être insistant. Je n'oblige jamais les
gens à venir voir un spectacle ou à écrire quand ils n'en ont pas l'intention. Pour finir, j'ai également un atout qui n'est pas négligeable et
apprécié de tous : mon accent du midi (rires).
Maria-Nella : Dans ta vie
d'attachée de presse, te rappelles-tu de spectacles qui t'ont particulièrement
marqué ?
Dominique Lhotte :
Il y en a beaucoup mais j'en retiens principalement deux qui m'ont bouleversé.
Quand j'ai commencé à travailler avec Jérôme Sonigo, ce dernier m'a
mis sur un projet qui s'appelait « Médée Kali » de Laurent Gaudet. Honnêtement,
je ne connaissais pas cet auteur mais je garde un souvenir inoubliable de la
présentation de ce spectacle. Ce jour-là, je ne savais pas trop à quoi m'attendre.
Je rentre dans la salle et je vois une comédienne, Emilie Faucheux, assise sur
une chaise, avec des demies-pointes de danse classique, le corps couleur sang
et derrière elle, un contrebassiste. Franchement, sur le moment je me suis
demandée où j'avais mis les pieds. Le spectacle commence, l'atmosphère se créé
et sans bouger de sa chaise, rien qu'avec le jeu de regards, la comédienne
transporte littéralement le public dans le texte. A la fin du spectacle j'étais
subjuguée. Les sentiments et l'émotion étaient très forts. Certaines personnes
dans le public se sont même évanouies.
Autre spectacle qui m'a bouleversé c'est « Paulina » avec Clémence Caillouel que j'ai défendu l'an dernier lors du festival d'Avignon. Il s'agissait d'un seul en scène basé sur une adaptation du texte d'Angélica Liddell : « la maison de la force » et traitant du féminicide au Mexique. Au-delà du texte puissant, ce qui m'a marqué dans ce spectacle est que Clémence Caillouel a un talent digne d'Isabelle Adjani car elle est habitée par son personnage.
Je tiens à souligner que tous les spectacles m'apportent quelque chose. Dernièrement, je suis allée voir « le petit médecin malgré lui » de Florence Fouéré et jamais je n'aurais jamais imaginé autant rire dans une adaptation de Molière, adaptation faite en outre pour un jeune public.
De façon générale, j'ai eu la chance d'être née à Avignon et d'avoir vu des spectacles grandioses tels que les fourberies de Scapin dans la Cour d'Honneur avec Daniel Auteuil.
Maria-Nella : Peux-tu nous
parler un peu de ton réseau de journalistes et blogueurs ?
Dominique Lhotte :
Au départ, le réseau a commencé par la presse locale sur
Avignon : la Provence, radio Raje... Puis Jérôme Sonigo m'a présenté
beaucoup de personnes. Je me suis donc constituée mon petit carnet d'adresses.
Aujourd'hui je suis très active sur les réseaux sociaux (Facebook,
Instagram...) et je propose mes spectacles de façon générale. Je constate aussi
que ce réseau m'apporte spontanément d'autres opportunités : des compagnies
parfois même des théâtres. C'est l'effet boule de neige.
Mais être attaché de presse ne se limite pas qu'aux spectacles. J'ai une triple casquette : spectacle, compagnie et théâtre. J'essaie de plus en plus d'aider des compagnies émergentes à trouver des productions, des diffuseurs, des éditeurs de théâtre pour leur permettre de prendre plus d'essor.
J'aide également les compagnies à faire des relations publiques. Depuis quelques temps, j'ai tissé des liens avec des prescripteurs de spectacles car il faut que le public et les professionnels soient au rendez-vous. D'ailleurs je remercie les gens connus du métier car sans eux j'ai pu bénéficier d'un réseau que je n'aurais jamais pu avoir. Je pense notamment à Myriam Boyer et Stéphane Guérin.
Maria-Nella : Au temps du
Covid-19 comment vois-tu le prochain Festival d'Avignon ?
Dominique Lhotte :
Pour l'instant, à l'heure où je te parle le Festival n'est pas annulé
donc je continue de remplir mes obligations contractuelles notamment en
envoyant les dossiers de presse. Mais j'ai le sentiment d'être entre le marteau
et l'enclume. Même si j'ai très envie que ce grand rendez-vous théâtral ait
lieu, je ne nie pas non plus une réalité sanitaire existante avec toutes ses
conséquences. Dans tous les cas cette crise nous oblige à nous poser une vraie
question : « et demain ? »
Maria-Nella : Justement, au
regard de l'actualité, comment vas-tu ?
Dominique Lhotte :
Je fais aller comme tout le monde. L'activité étant ralentie, je
cherche des occupations et des palliatifs à ce climat anxiogène. J'essaie de
m'occuper et je me suis découverte un talent pour la cuisine.
Maria-Nella :
Ne le dis pas trop fort car on va tous s'inviter chez toi en
respectant nos distances et les gestes barrières (rires).
Dominique Lhotte :
Et bien pourquoi pas ? (rires)
Maria-Nella : As-tu pensé
à des alternatives le temps que la crise passe ?
Dominique Lhotte :
Effectivement, cette crise sanitaire chamboule tout et nous pousse à
nous renouveler. Avec les compagnies je travaille depuis quelques temps sur la
promotion par le biais de captations. En gros, mettre à contribution des
nouvelles technologies afin que les spectacles continuent et que les compagnies
puissent en vivre.
Maria-Nella : As-tu des
projets d'avenir ?
Dominique Lhotte :
J'aimerais avant tout pouvoir continuer mon métier mais tout va
dépendre de la durée de la crise sanitaire. La situation est très complexe
aujourd'hui pour les indépendants. Mais la priorité actuelle c'est de se
préserver, chouchouter ses proches et leur dire qu'on les aime.
Je termine cette interview sur ce beau message rempli d'humanité et remercie Dominique nous nous avoir ouvert les coulisses de son métier.
Et maintenant, à vous de jouer !
Maria-Nella

Interview réalisée par téléphone le 5 avril 2020