Clément Vieu - Comédien et directeur artistique d’OLEA Compagnie Méditerranéenne

07/06/2021

    Quatorze mois. Quatorze mois depuis ma dernière interview. Ce confinement m'en aura fait voir et les conséquences de cette cochonnerie de « corona truc muche » ont bien failli avoir raison de moi et de mon blog. Néanmoins depuis quelques semaines il semblerait que l'optimisme renaisse. Chose plutôt rassurante, le sixième art n'a pas dit son dernier mot. Les salles de spectacles rouvrent petit à petit, sous le masque le public entend de plus en plus raisonner les trois coups d'avant-spectacle et le Festival d'Avignon pointe le bout de son nez lentement mais sûrement.

    Alors quoi de mieux pour ouvrir cette saison estivale riche en espoir et en renouveau par une interview pleine de soleil ? Rendez-vous pris avec Clément Vieu, comédien et directeur artistique d'OLEA Compagnie Méditerranéenne. Une compagnie au nom prometteur, vous ne trouvez pas ?

Maria-Nella : Clément, tu es comédien et directeur artistique d'OLEA Compagnie Méditerranéenne. Quel est ton parcours théâtral ?
Clément Vieu :
Je suis tombée très jeune dans le bain du théâtre. J'ai d'abord commencé en 6e dans des ateliers au collège à Nice. Puis de structures scolaires, je suis passé à des ateliers amateurs ou à des cours du mercredi. Avec quelques amis nous est ensuite venue l'idée de créer notre propre petite troupe. Puis s'est posée la question d'aller un peu plus loin. Je venais de commencer mes études de droit que j'aimais beaucoup, mais je ne me voyais pas faire ça toute ma vie. Parallèlement, le théâtre me prenait beaucoup de temps et d'énergie. Et à la fin de ma première année de droit, je me suis jeté à l'eau. J'ai quitté Nice pour m'inscrire dans un cours privé à Paris, le Sudden Théâtre - cours Raymond Acquaviva aujourd'hui. Au cours de cette première année, j'ai fait la rencontre de Thierry Atlan qui allait donner une orientation majeure à ma formation. Ce dernier avait un petit cours en dehors de la capitale et avec quelques copains de promotion nous l'avons suivi. L'histoire a duré trois ans, trois années d'une formation très intense et instructive au contact de grands noms du sixième art tel que Sylvia Bergé de la Comédie Française qui donnait de temps en temps des cours de tragédie. Nous étions environ une quinzaine d'élèves. Nous travaillions des rôles entiers tout au long de notre scolarité. Me concernant, j'ai travaillé Ivanov, Antiochus, Néron, Benedict (Beaucoup de bruit pour rien) entre autres.

Par la suite j'ai évolué au travers de diverses compagnies théâtrales et suis même parti au Liban pendant quelques temps. En 2015, j'ai été scénariste du film « Casting sauvage ». Après sa sortie, j'ai décidé de revenir au théâtre. Avec des amis Florent Chauvet & Jérémy Lemaire, eux-mêmes devenus professionnels, nous avons créé OLEA Compagnie Méditerranéenne.

Maria-Nella : Peux-tu nous dresser un portrait d'OLEA Compagnie Méditerranéenne ?
Clément Vieu :
Il s'agit d'une compagnie de projets dont le noyau dur est composé de trois personnes. Autour de nous gravite une équipe d'environ une trentaine d'artistes : comédiens, musiciens, techniciens, metteurs en scènes... Olea est avant tout un collectif de créations s'inscrivant dans le paysage Niçois et plus généralement en PACA.

Le particularisme de notre compagnie est de mettre en lumière les auteurs méditerranéens. J'ai moi-même de fortes racines méditerranéennes. Une partie de ma famille est Corse et mes grands-parents sont d'origine italienne. Ainsi donc j'ai toujours vécu dans une ambiance assez théâtrale, remplie de soleil, où on communique beaucoup avec le corps. A l'origine, je trouvais que les auteurs méditerranéens n'étaient pas assez présents dans le monde du théâtre et paradoxalement dans la région PACA. Ainsi donc, il a paru évident d'articuler le thème de notre compagnie autour de cette culture. A la création d'OLEA, nous avons procédé à un gros travail pour comprendre ce qui constitue un être méditerranéen, sa culture, son déracinement, son besoin d'être près de la mer... Ce sont des notions qui nous sont chères dans tous nos projets.

Maria-Nella : Peux-tu nous expliquer la signification du logo d'OLEA Compagnie Méditerranéenne (un olivier avec trois enfants qui jouent en dessous) ?
Clément Vieu :
Etant donné que nous voulions mettre en avant les auteurs méditerranéens, il nous fallait trouver un symbole fort illustrant au mieux cette idée. Et quoi de mieux qu'un olivier, « Olea » en latin, pour incarner le bassin méditerranéen ?

Les trois enfants jouant sous l'arbre nous représentent, moi et mes camarades. Nous nous sommes connus pendant notre enfance lors nos cours d'art dramatique. Aujourd'hui nous sommes devenus professionnels et nous essayons d'insuffler l'énergie des débuts dans tous nos projets.

Maria-Nella : Quelle était votre première création ?
Clément Vieu :
Notre premier spectacle avec Florent et Jérémy, était « Bar » de Spiro Scimone. Il s'agit d'une œuvre d'un auteur Sicilien dont les personnages principaux échoués dans un bar se rêvent chacun dans un monde idéal pour échapper à leur triste réalité.

Techniquement ce spectacle est facile à jouer en plein air. Il sera d'ailleurs repris cet été de manière exceptionnelle, ce qui tombe plutôt bien étant donné l'actualité du moment.

Maria-Nella : Dernièrement vous étiez à l'affiche d'une captation, l'Amant d'Harold Pinter, jouée aux Trois Pierrots à St Cloud. Que peux-tu nous en dire ?
Clément Vieu :
Pinter est un petit pas de côté par rapport à la méditerranée. Il s'agit d'un spectacle créé en 2019 à Avignon avec Manon Kneuse, Éric Capone au piano et moi-même. Personnellement, j'avais toujours rêvé de jouer cette pièce. C'est en rencontrant Stéphane Olivié Bisson sur d'autres projets que nous avons décidé de franchir le cap. Cette pièce sera reprise en 2022 à la Scène Parisienne.

Concernant l'expérience de la captation, ce fut un exercice assez intéressant. Cela faisait plus d'un an et demi que nous n'avions pas joué cette œuvre. De prime abord cette coupure nous a parue terrifiante. Cependant après une seule journée de répétition, nous avions retrouvé nos marques et avons même eu l'agréable surprise de constater une évolution très positive du spectacle.

L'exercice de la captation en lui-même est quelque chose d'assez particulier. Le théâtre les Trois Pierrots peut contenir près de 500 spectateurs. Or, du fait des normes sanitaires, nous avons joué devant une quarantaine de personnes. Ce fut donc une représentation un peu lunaire devant des caméras et peu de public. Mais au final ce fut une représentation très plaisante. En effet, l'émotion de jouer devant le public présent, de retrouver les comédiens et tout simplement de se remettre au travail, ont été plus forts que nos craintes.

Maria-Nella : Votre répertoire comprend également d'autres œuvres dont les carnets d'Albert Camus. Que peux-tu nous en dire ?
Clément Vieu :
Il s'agit d'un projet que nous accompagnons depuis sa création en 2018 et né de la rencontre entre Stéphane Olivié Bisson et Catherine Camus (fille d'Albert Camus). Ce seul en scène retrace 25 ans de la vie d'Albert Camus à travers ses écrits sur cahiers d'écolier. Avec la famille de l'auteur, Stéphane est parti d'un manuscrit de 900 pages pour tout concentrer sur un spectacle d'une heure et toucher le cœur de cette confession.

Les carnets d'Albert Camus ont fait un premier Avignon et aujourd'hui nous en sommes à plus de 200 représentations. Ce spectacle qui a un peu voyagé, notamment au Liban, va également faire l'objet d'une tournée.

Maria-Nella : Il me semble qu'au sein d'OLEA Compagnie Méditerranéenne tu as plusieurs casquettes. Que peux-tu nous en dire ?
Clément Vieu :
Effectivement, au sein de la compagnie je suis comédien mais je porte aussi des pièces. Je m'investis beaucoup comme ce fut le cas pour les Carnets d'Albert Camus. D'ailleurs j'ai vraiment découvert son œuvre en produisant ce spectacle. Mais produire ce n'est pas uniquement signer des chèques, c'est être dans l'accompagnement des comédiens, faire des retours, aider une équipe artistique. Certes placé du côté de la production la sphère budgétaire est primordiale mais c'est aussi et surtout faire le meilleur spectacle possible.

Maria-Nella : J'aimerais qu'on s'arrête un instant sur le rendez-vous théâtral donné en juin au château de Bellet au-dessus de Nice.
Clément Vieu :
Nous sommes allés voir le château de Bellet sur les hauteurs de la ville. Ce lieu implanté au milieu d'un vignoble semblait se prêter au théâtre en extérieur. Nous leur avons donc proposé de reprendre la pièce « Bar ». Ainsi donc le 18 juin prochain, nous allons tester le format théâtre-dégustation avec en plus de la représentation un Food truck et un peu de musique. L'objectif de ce rendez-vous est multiple. Premièrement il s'agit d'emmener de la culture dans un endroit assez magique à dix minutes du centre-ville et qui n'a jamais accueilli de spectacle. De plus, cet évènement ouvre symboliquement l'été et permet aux spectateurs d'assister à une pièce en plein air tout en buvant (avec modération) un verre et en mangeant un morceau de pissaladière.

Maria-Nella : Quels sont vos projets d'avenir ?
Clément Vieu :
A court terme, une nouvelle création va démarrer en janvier 2022 au Chêne Noir à Avignon. Il s'agit du « cimetière des voitures » de Fernando Arrabal, mise en scène Gil Galliot, pièce totalement punk et poétique.

Nous prévoyons une deuxième création, « la Mort heureuse » toujours d'Albert Camus. Il s'agit d'un roman de jeunesse adapté par Stéphane Olivié Bisson. Le projet est d'envergure car il prend une dimension européenne avec de multiples partenaires comme le Chêne Noir à Avignon. Particularisme de ce seul en scène joué par l'acteur Richard Sammel est qu'il s'agit d'une création trilingue en français, en allemand et en anglais. Sur ce spectacle, la compagnie franchit une vraie marche car nous allons traverser les frontières de l'Europe. Jusqu'à présent nous restions plutôt dans le bassin méditerranéen, mais ici cette création va voyager entre la France et l'Allemagne et un peu partout dans le monde. Cette pièce va également démarrer au chêne noir et sera joué dans bien d'autres salles partenaires (Théâtre National de Sète, St Germain-en-Laye, Thonon, CDN de Rouen...). Si tout va bien, cette co-production sera normalement à l'affiche du festival d'Avignon en 2022.

A plus longs termes, au-delà des projets théâtraux, Olea Compagnie Méditerranéenne souhaiterait voir grandir son envie de s'inscrire dans le territoire Maralpin. Enfin, et de manière beaucoup plus personnelle, j'aimerais trouver un lieu qui nous ressemble assez pour nos créations comme une oliveraie.

C'est sur cette jolie note estivale que je termine mon interview de Clément Vieu. Et alors que j'y mets un point final, mon esprit semble flotter au-dessus des collines de l'arrière-pays niçois. La vue sur la mer y est majestueuse, l'envie de sud et de voyage grandissante. Longue vie à Olea Compagnie Méditerranéenne, à tous ses membres et que vive le théâtre !

Et maintenant, à vous de jouer !
Maria-Nella

Interview réalisée par téléphone le 2 juin 2021  

https://oleaeuropart.com/