Carinne Thomas-Massard : présidente de l’association Théatroter’happy
Le théâtre est bien souvent une affaire de rencontres et croyez-moi, j'en connais un rayon la dessus. C'est la raison pour laquelle, le blog théâtre de Maria-Nella a choisi d'allumer ses projecteurs sur une troupe de théâtre amateur des Bouches-du-Rhône, Théatroter'happy. Vous me direz des troupes de théâtre constitués de non-professionnels, il y en a à foison. Néanmoins, celle-ci vaut le détour car au-delà de vivre sa passion théâtrale, cette troupe s'est placée sous le signe de la solidarité. Poussée par la curiosité, je propose donc à la Présidente, Carrine Thomas-Massard de répondre à quelques-unes de mes questions.
Maria-Nella : Peux-tu nous
parler de ta troupe Théâtroter'happy et en quoi consiste-t-elle ?Carinne Thomas-Massard :
Nous nous sommes rencontrés pendant un cours de théâtre associatif
dans un village à côté de Carnoux-en-Provence (13). Très vite, nous nous sommes
rendus compte que travailler autant pour un seul spectacle, c'était beaucoup
d'investissement. Comme nous venions tous d'univers caritatifs et poussé par
l'envie de jouer d'avantage, nous sommes dits qu'il serait peut-être intéressant
de mettre notre passion au profit de quelque chose d'utile. De là, l'idée nous
est venue de monter des pièces de théâtre et de reverser les recettes à des œuvres
caritatives.
Au cours d'un concours de théâtre amateur organisé par le Rotary de Carnoux au profit de l'association « coup de pouce » qui aide à l'alphabétisation, nous nous sommes vus proposer de représenter la commune. Ce fut notre première vraie scène où nous avons joué quelques scénettes d'une pièce déjà travaillée à l'occasion des cours. Puis, nous avons commencé à chercher des endroits et l'aventure théâtro-caritative a pris définitivement son envol.
Maria-Nalla : Quand vous
représentez-vous et à quelles occasions ?
Carinne Thomas-Massard :
Nous arrivons à nous représenter
au moins quatre fois dans l'année. Plus globalement, nous jouons quand l'occasion
se présente car nous évoluons en toute autonomie.
Maria-Nella : Pour quelle
association jouez-vous ?
Carinne Thomas-Massard :
Nous n'avons pas forcément d'associations de prédilection. Cela marche
beaucoup aux coups de cœur et aux rencontres. Il faut juste que la cause
défendue nous parle. A titre d'exemple, nous avons joué au profit du Téléthon.
D'expérience j'ai toujours eu le sentiment que le théâtre est une affaire de
rencontres qui ne sont pas dues au hasard. Au cours d'une représentation donnée
au profit des sinistrés de le rue d'Aubagne à Marseille, la responsable des
restos du cœur du 3e arrondissement était présente. A la fin du
spectacle, elle nous a proposé de nous représenter à Noël pour les bénéficiaires
des restos. Elle nous a trouvé une petite salle dans son centre que nous avons
décoré pour l'occasion. On s'est même fabriqué une scène en mode système D...
Maria-Nella : avec des
palettes ?
Carinne Thomas-Massard :
(Rires) Exactement ! Et nous
avons joué une de nos premières pièces, « Noc'if you love ». Ce qui
est intéressant dans cette expérience, c'est que cette représentation ne s'est
pas faite dans le but de récolter des fonds mais plutôt d'offrir un moment de
joie à des personnes qui n'ont ni l'occasion ni le budget de se payer un
spectacle. Après la pièce, nous avions apporté de quoi goûter ce qui nous a
donné l'opportunité de discuter avec le public. Je me souviens d'un monsieur qui a
eu une phrase très belle « pendant
une heure et demi, grâce à vous on a oublié nos soucis ». Nous sommes sortis de cette expérience encore plus motivés !
Maria-Nella : Sur ce
que vous récupérez, gardez-vous un peu d'agent pour couvrir vos frais?
Carinne Thomas-Massard :
Les recettes des spectacles nous
permettent de payer les droits d'auteur et éventuellement le paiement de la
location de la salle, puis tout ce qui reste va à l'association.
Maria-Nella : Combien
êtes-vous dans la troupe ?
Carinne Thomas-Massard :
Une quinzaine d'amateurs mais pas
tous comédiens. Nous avons une personne qui s'occupe de la trésorerie, une
autre bénévole qui s'occupe de la communication...
Maria-Nella : Quelles sont
les pièces que vous jouez ?
Carinne Thomas-Massard :
Aujourd'hui, notre répertoire
comporte trois pièces :
- « Noc'if you love », collectif de textes qui parle du mariage, du divorce, de l'amour que nous avons mis en scène pour en faire une pièce. Les textes sont notamment de Claude Sarraute, Michèle Laroque, Pierre Palmade...
- « Pour ceux qui reste » de Pascal Elbé.
- « Le coupable est dans la salle » d'Yvon Taburet, auteur qui n'écrit que pour des troupes amateurs.
De manière générale et en dehors de la pièce « pour ceux qui reste », nous essayons de mettre en scène des textes où il y a une interaction avec le public. C'est « Nocif you love » qui nous a amené à exploiter ce credo. Comme il s'agit de textes qui traitent notamment du mariage, nous allons par exemple chercher des gens dans le public pour faire les témoins. Nous nous sommes aperçus que c'était génial de partager ça avec des spectateurs parfois plus à fond que nous. Dans ces cas-là, il faut savoir improviser.
Maria-Nella : Comment
choisissez-vous les textes ?
Carinne Thomas-Massard :
C'est très simple, nous allons
sur le site https://www.leproscenium.com/,
puis en fonction du nombre de comédiens, de la répartition des rôles féminins
et masculins, des thèmes qui nous intéressent nous sélectionnons des pièces, puis le
choix final s'effectue de manière collégiale. Et ça va très vite parce que des
pièces pour douze personnes il n'y en a pas des masses. Pour ce qui est du style,
à la base nous sommes plutôt axés sur des pièces contemporaines à tendance
comédie. A partir de là nous imaginons une mise en scène interactive avec le public.
Maria-Nella : Où
répétez-vous ?
Carinne Thomas-Massard :
Au début, c'était un peu
compliqué car nous répétions chez les uns, les autres, un peu dehors ou dans
les garages mais en hiver, ça n'était pas l'idéal. Mais depuis quelques temps,
nous nous retrouvons dans un établissement scolaire qui nous prête gentiment son
hall pour travailler.
Maria-Nella : Quelles sont
vos difficultés principales ?
Carinne Thomas-Massard :
Aujourd'hui, nous aimerions avoir
un peu plus d'opportunités sur des salles, des théâtres, des centres culturels
abordables pour la troupe. En effet, si notre objectif est de reverser nos
recettes à une action caritative, il faut avoir le moins de frais possible à la
base.
Maria-Nella : Ce n'est pas
compliqué de coordonner les emplois du temps de quinze personnes?
Carinne Thomas-Massard :
Oui, c'est très dur. Mais tout le
monde sait que le jeudi soir, c'est le jour de répétition. Pour ce qui est des
représentations nous sommes devenus les rois des tableaux Excel avec un
prévisionnel de six mois sur les dates à venir et généralement tout le monde se
débrouille pour s'organiser.
Maria-Nella : Comment
pouvons-nous vous aider ?
Carinne Thomas-Massard :
Ça peut passer par plein de
choses : nous offrir de la visibilité pour nous faire connaître via les
réseaux sociaux par exemple, les événements, les publications ; d'assister
à nos représentations ; d'activer son réseau pour nos proposer des salles
ou des opportunités de jeu...
Autre moyen de nous aider, nous avons mis en place des « sponsor'happy».
C'est un système pour devenir mécène par un don libre ou une adhésion à l'année
de 10€. Et pour nous, 10€ par-ci, quelques euros par-là, c'est une petite
trésorerie en plus, car ce sont les petits cours d'eau qui font les grandes
rivières. Cet argent nous aide à payer les droits d'auteur, acheter des
accessoires pour les décors et les costumes. Sur notre site, nous avons mis en
place une rubrique pour nous soutenir : https://www.theatroterhappy.com/copie-de-nous-connaitre
En contrepartie, nous envoyons
les informations en mode VIP. Parfois, si elle le peut, la troupe offre une
place pour remercier.
Maria-Nella : Pourquoi
avoir choisi « Théâtroter'happy » comme nom de troupe ?
Carinne Thomas-Massard :
Ce fut le gros sujet de
discussion. Au départ, on voulait donner une connotation provençale au groupe.
Mais la réflexion s'est emballée ce qui fut l'occasion de bien rigoler car on
dérivait sur des stéréotypes "pagnolesques". Et puis, on s'est posé la question
sur la finalité de notre envie de faire du théâtre. Au fond, c'est parce que
nous avons tous quelque chose à guérir : la timidité ou avoir du temps
pour soi. L'idée de thérapie a commencé à germer jusqu'à « Théâtroter'happy ».
C'est dur à prononcer mais ça nous résume bien.
Maria-Nella : Quels sont
les projets d'avenir ?
Carinne Thomas-Massard :
A courts termes, nous jouons le
21 mars prochain « le coupable est dans la salle » au centre culturel
de Cassis au profit du cercle des nageurs de la ville. L'objectif est de
récolter de l'agent pour aider les familles qui ne peuvent participer aux
déplacements des sportifs lors de compétitions internationales.
Le 20 avril prochain, nous nous représenterons dans le cadre d'un événement qui n'est pas ouvert au public, car il s'agit d'un projet pédagogique. Nous allons participer à un dîner-spectacle dans le collège où nous répétons. L'entrée est payante et le collège reverse l'intégralité des bénéfices de la soirée à une association de son choix. En 2019, ce fut pour la compagnie « Après la pluie » qui aide à réaliser les rêves d'enfants atteints de cancer de l'hôpital de La Timone à Marseille.
A longs termes, c'est continuer de faire vivre notre troupe par de nouveaux spectacles et de nouvelles représentations. Nous faisons ça par passion, par amour des autres, par envie de se retrouver, de partager et nous ne sommes pas prêts de nous arrêter.
« Théâtroter'happy » où comment mettre le sixième art au service de grandes causes humaines.
Carinne THOMAS-MASSARD : Présidente de l'association Théâtroter'happy
https://www.theatroterhappy.com/
Interview réalisée le 23 février 2020
Article également en ligne sur le site Cultur'Easy :
https://cultureasy.media/2020/03/16/carinne-thomas-massard-theatroterhappy/